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2 juillet 2009 4 02 /07 /juillet /2009 11:28
Philippe Riès Ancien chef du département économique de l'Agence France-Presse, puis directeur des bureaux de l'AFP à Tokyo et Bruxelles, Philippe Riès est chroniqueur économique pour Mediapart.fr 


Le passage, le 1er juillet, de la TVA sur la restauration du taux général de 19,6% au taux préférentiel de 5,5% marque l'épilogue d'une de ces sagas corporatistes dont la France a le secret. On n'échappe pas si facilement à ses pesanteurs historiques et culturelle: notre histoire économique est dominée par le «dialogue», souvent musclé, entre un Etat omni-présent, touche à tout et d'autre part les corporations, devenues aujourd'hui les corporatismes, le plus puissant des deux n'étant pas celui qu'on croit. Réclamée depuis une bonne quinzaine d'années par le secteur dit «traditionnel» de la restauration, cette baisse de la TVA fit l'objet en 2002 d'un engagement électoraliste du président-candidat Jacques Chirac. Au nom de l'égalité, valeur cardinale inscrite au frontispice de nos bâtiments publics, puisque les multinationales de la «mal boufffe» bénéficiaient d'un taux réduit sur les produits à emporter (dans leurs coques de polystirène), fabriqués dans leurs usines à hamburgers et frites surgelées. Longtemps, la résistance des autres pays membres de l'Union européenne, où toute décision touchant à la fiscalité doit encore être prise à l'unanimité, nous a épargné la mise en œuvre d'un engagement démagogique aux retombées économiques et sociales douteuses. Mais l'Allemagne, qui craignait à juste titre une contagion dangereuse pour des finances publiques qu'elle s'est efforcée, elle, de remettre en ordre, a fini par céder à l'insistance du candidat de la «rupture» à l'élection présidentielle, devenu en cette matière le président de la continuité. La capacité du Conseil européen de produire des arbitrages néfastes au terme de marchandages pas très honorables ne doit jamais être sous-estimée. Ainsi donc, un Etat français «en faillite» (dixit le Premier ministre François Fillon) s'autorise-t-il un cadeau fiscal évalué à 2,5 milliards d'euros par la Cour des Comptes. C'est le premier paradoxe, mais pas le seul. Certes, cette perte de recettes fiscales devrait être compensée par l'annulation des aides sur les charges sociales, que le même François Fillon, alors ministre de Jacques Chirac, avait accordées en 2004 aux restaurateurs pour faire taire André Daguin, porte-parole fort en gueule et haut en couleur de cette Jacquerie fiscale permanente. C'était, nous avait-on dit, pour la bonne cause, celle de la Constitution européenne dont la soumission au verdict du peuple souverain se profilait à l'horizon. Pas très concluant. On peut espérer la juridiction de la rue Cambon s'inquiétera de la suppression effective de ces subsides, et de l'impact net de l'opération sur l'état calamiteux de nos comptes publics. Mais même prononcées par son ombrageux président Philippe Seguin, les admonestations de la Cour des Comptes pèsent bien peu face à la pression des lobbies. De même que les recommandations du Fonds Monétaire International, qui demande (dans son étude sur la France publiée le 29 juin) que toutes les concessions fiscales accordées dans un contexte de crise financière mondiale soient réversibles, y incluant «la réduction de la TVA annoncée récemment au bénéfice des restaurateurs, qui introduit une nouvelle distorsion dans le système fiscal sans générer de bénéfices économiques largement répartis». Autre paradoxe, le même pouvoir politique qui pontifie volontiers aujourd'hui sur l'échec du modèle de l'autorégulation dans les activités bancaires et financières, s'en remet intégralement à la «profession» pour le respect des engagements, en matière de baisse des prix à la consommation, de créations d'emplois et d'amélioration des conditions salariales. Ces engagements, souscrits par huit organisations syndicales patronales différentes (nous sommes en France !), sont purement volontaires et assortis d'aucune sanction. La sanction, c'est le «consommateur averti» qui est censé l'infliger aux restaurateurs qui ne joueraient pas le jeu. En votant avec ses pieds. L'Etat, lui, s'en lave les mains. Troisième paradoxe, la baisse de la TVA sur la restauration s'inscrit à rebours d'une réflexion plus générale sur la fiscalité qui considère qu'il vaut mieux taxer la consommation que le travail, dans une économie mondiale ouverte où l'attractivité fiscale d'un territoire est un des facteurs de localisation (certes pas le seul, ni même le plus important) des activités productives. La restauration sur place est par définition une activité captive. Comme l'ont souligné de rares voix indépendantes au sein de la profession, la solution rationnelle aurait sans doute consisté à appliquer à toutes les formes de restauration, indépendamment du canal et du mode de distribution, un même taux de TVA, à mi-chemin entre le normal et le privilégié, préservant une certaine neutralité aussi bien en matière de concurrence qu'au regard de l'impact sur les finances de l'Etat. On aurait même pu rêver que cet aménagement se fut inscrit dans la remise à plat que notre fiscalité lourde, illisible, économiquement inefficace et socialement injuste, appelle depuis tant d'années. Mais la logique de la relation entre l'Etat et les corporatismes est radicalement différente: il s'agit à chaque fois de satisfaire des intérêts particuliers, pas de veiller à l'intérêt général.
Sinon, à quoi ça sert que Daguin (et ses homologues de tous poils), il se décarcasse !
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commentaires

D
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